Saint-Claude dans l'histoire de la pipe

Saint-Claude dans l'histoire de la pipe

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21 août 2017
Même pour les non fumeurs, le nom de Saint Claude est évocateur et on pense immédiatement à la pipe. Remontons le temps et re-découvrons le rôle et la place des artisans et fabricants de St-Claude...

Le développement de Saint Claude

Bien qu'isolé dans les montagnes du haut-jura, Saint Claude jouit d'une histoire riche qui remonte au VIème siècle. A cette époque Saint Claude, appelé Condat, n'était qu'un monastère. Rapidement, une communauté se forme autour du monastère qui attire de nombreux artisans. Entouré d'épaisses forêts, la matière première ne manque pas et la tournerie prend un large essor bien que la production soit majoritairement tournée vers les objets religieux, comme les chapelets.

Au fil des siècles, le bourg gagne en importance et le petit monastère devient une vaste abbaye où de nombreux pèlerins viennent se recueillir devant le corps parfaitement conservé de Saint Claude mort 400 ans auparavant. Depuis que les moines sont les cadets de grandes familles, la ville est fréquentée par les nobles qui font des achats de grandes valeur. Les artisans locaux élargissent leur productions aux objets profanes comme les tabatières, la métallurgie, le papier et parmi les nouveaux venus : La pipe. Toutefois c'est une production limitée.

Un terrible incendie ravage Saint Claude en 1799, puis les charges et réquisitions de l'Empire viennent à bout de nombreux secteurs d'activités. En 1811, seules la pipe et la tournerie ont survécu.

A cette époque la pipe de Saint Claude ne se distingue pas encore, les artisans locaux fabriquent des tuyaux en bois, corne, terre ou porcelaine pour le compte de pipiers allemands ou autrichiens. Le travail est divisé entre les villages environnant, et chacun possède sa spécialité. Après avoir tourné le tuyau uniquement, Saint-Claude se voue à la pipe toute entière, les ouvriers deviennent des tourneurs-pipiers et honorent des commandes pour le monde entier.

Fabrique Rue Lacuzon
Une fabrique de pipes vers 1840

L'exploitation de l'énergie hydraulique transforme les méthodes de productions dans tous les secteurs d'activités, ainsi les artisans qui travaillaient dans leur foyer avec un tour à pied sont remplacés par de grandes usines le long des rivières. Aujourd'hui, un promeneur peut encore apercevoir certaines d'entres elles le long des deux cours d'eau qui traversent Saint-Claude, la Bienne et le Tacon.

Saint Claude dans les années 1840
La majorité des fabriques sont dans la partie basse de la ville. En témoignent les bâtiments en longueur le long des rivières

Bien que l'industrie pipière soit présente depuis plusieurs décennies dans la région, celle-ci est quasi anecdotique face à la tabletterie. En effet, vers 1840, il existe seulement trois établissements qui emploient environs vingts artisans.

Le calibrage et ébauchage
Les machines font leur entrée dans les ateliers. Notamment pour la découpe, le perçage et le tournage.

Vers 1850, avec la découverte de la bruyère, se développe une industrie dérivée de la tournerie qui va prendre un essor gigantesque pour finalement détrôner la tabletterie.

La découverte du bois de bruyère

A ce jour, la paternité de la découverte de la bruyère est encore source de débat, que ce soit entre les familles du haut-jura ou entre Saint-Claude et Cogolin. Les témoignages sont nombreux et nous nous garderons bien de trancher, toutefois une histoire se démarque des autres. En effet, c'est un témoin direct qui s'exprime.

C'était dans les premiers jours d'octobre 1858. Un voyageur aux manières un peu exubérantes se présente un matin place de l'Abbaye à la maison Gay. Il venait faire ses offres de souches de buis que ce négociant achetait en assez grande quantité pour la fabrication de ses tabatières.

Après avoir pris une commande de dix mille kilos de ces souches, parlé de la pluie et du beau temps ainsi que des vendanges dans le midi, le sieur Taffanel, c'était lui, sort un mystérieux morceau de bois de sa poche.

Voilà, dit-il une pipe dans laquelle un de mes amis berger m'a certifié avoir fumé du tabac pendant un an. Taillé à six pans dans la forme d'un éteignoir et muni d'un tuyau en bambou, la pipe n'est ni brulée ni détériorée.

Intrigué, monsieur Gay, le responsable du magasin, le questionna longuement et se fit remettre d'autres morceaux de bruyère puis en commanda deux sacs à expédier avant la fin du mois.

Les 120 ébauchons arrivèrent avant la fin octobre. Ils furent tournés et montés en moins d'une semaine. Quelques jours plus tard, les pipes furent déjà vendues et partirent pour Paris et la Belgique.

Jules Ligier, artisans pipier de la maison Gay

En 50 ans, le nombre d'ouvriers travaillant pour la pipe passe de 20 personnes à plus de 6000 auxquels s'ajoutent jusqu'à 500 femmes et 200 enfants. Le nombre de fabriques est multiplié par vingt ! Toutefois, à partir de 1885, des industries rivales se créèrent en Amérique du nord, en Allemagne, Autriche ou Italie. Face aux difficultés du début du XXième siècle, Saint Claude conserve sa grandeur. Le Savoir faire jurassien traverse les frontières à tel point que les célèbres marques anglaises achètent des pipes de Saint Claude pour les revendre sous leur nom en Angleterre.

Saint Claude Quartier de la Poya
Les établissements Jeantet sont visibles en bas au centre

La pipe au XXième siècle : une succession de crises et d'âges d'or

Dès 1906, de nombreux ouvriers san-claudien quittent la France pour l'Angleterre, attirés par des offres avantageuses. En effet, la situation locale est difficile, il y a trop d'offres. Les prix et les salaires sont tirés vers le bas et un marchandage serré s'exerce sur la main d'oeuvre. Selon leurs tâches, les ouvriers n'appartiennent pas à la même catégorie et les différences sont criantes. Ne dit-on pas diviser pour mieux régner ? Seulement les pipiers font face ensemble et une multitude de coopératives et de syndicaux voient le jour. Bien que divisés, tous se regroupent dans "la Fraternelle" qui joue le rôle de caisse de prévoyance.

Avant la Grande Guerre, Saint Claude produisait 28 millions de pipes par an, soit la moitié de la production mondiale, contre seulement 4,5 millions en 1925 et occupait 4500 ouvriers pour une population de 12000 âmes. Plus de 60% de la production est exporté vers les USA, et malgré une fonte drastique du nombre d'ouvriers c'est une époque faste pour la pipe. L'Amérique jouit d'un niveau de vie très supérieur à l'Europe et le prix des pipes est indexé dessus.

Cette période de faste et d'opulence prend brutalement fin avec la crise de 1927. Le premier marché des pipiers de Saint Claude disparait presque du jour au lendemain sous les coups de buttoir des taxes à l'importation des USA. L'Allemagne connait le même sort et la production chute de 50%. L'Angleterre parvient à se maintenir tandis que l'Italie voit sa production augmenter de 150% ! Plus réactifs que leurs voisins, les artisans italiens se réorientent vers une production à bas coût plus à même de se vendre en temps de crise.

Les coopératives et les fabriques se concentrent et passent de 80 structures à seulement 30. Avec la seconde guerre mondiale, la France est séparée en deux. Située en zone occupée, Saint Claude est coupé de son approvisionnement en bruyère, alors les pipiers exhument les vieux stocks et exploitent à nouveau les bois du pays. Disparues depuis presque 100 ans, on voit réapparaitre des pipes en hêtre ou en buis.

Au lendemain de le Seconde Guerre mondiale, vers 1954, il n'y a plus que vingt industriels pipiers qui occupent moins de 600 ouvriers à Saint Claude. Cela n'empêche pas la pipe de Saint Claude de conserver son image de marque auprès de la demande étrangère. Ainsi de nouveaux marchés émergent au fil de la seconde moitié du XXème siècle, la Russie, la Chine mais aussi l'Asie du sud-est en général.

Saint-Claude, une ville pas comme les autres !

L'INA (Institut National de l'Audiovisuel) retrace l'histoire de Saint-Claude (capitale mondiale de la pipe) dans une vidéo réalisée en 1971. Ce reportage nous rappelle pourquoi Saint-Claude n'est pas une ville comme les autres avec des images d'ateliers de fabrication de pipes mais aussi des interviews auprès de fumeurs de pipes. La vidéo dure approximativement 8 minutes, là voici :

Vidéo INA Saint-Claude

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Machine à copier

Machine à façoner l''acrylique

Aujourd'hui, les pipiers sanclaudiens fournissent à eux seuls 95% du marché intérieur français et exportent environs 60% de leur production. Toutefois il n'y a pas plus qu'une centaine d'ouvriers pour une production estimée à 80000 pipes. Parmi les vingt usines des années 60, il n'en reste plus que deux qui produisent pour plusieurs marques, toutefois une poignée d'ateliers indépendants parviennent à tirer leur épingle du jeu en proposant des pipes de très haute qualité mais en quantité réduite.

Découvrir les pipes de St Claude

Depuis le début des années 2010, on observe une mutation de la clientèle qui s'oriente vers des modèles plus design et plus colorés. Cette nouvelle clientèle est également plus exigeante et plus jeune, en moyenne 25-35 ans. La pipe qui avait une image vieillotte, est maintenant synonyme de style et d'originalité.

La pipe n'est plus l'accessoire du grand père mais l'accessoire du mode du hipster distingué !

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